Le psychologue à l'hôpital: l'interprétation des tribunaux
Auteur : DAURIAC Eric
Publié le :
11/12/2007
11
décembre
déc.
12
2007
Le psychologue peut être employé par de nombreuses structures aux statuts différents, de la fonction territoriale, en passant par la fonction publique d’état, les organismes privés ou parapubliques, la fonction publique hospitalière, et il faut ajouter à cette liste les psychologues exerçant en libéral.
Le psychologue dans la fonction publiqueLes textes régissant la profession sont multiples (nous en décomptons pas moins de 46 à ce jour hors exercice libéral) et nous signalerons essentiellement pour la fonction hospitalière le décret n°91-129 du 31 janvier 1991.
A chaque fois le régime juridique applicable aussi bien sur le plan fonctionnel que sur le plan administratif est différent.
Notre ambition cette fois-ci restera limitée au psychologue dans la fonction publique hospitalière.
En effet il y a quelques années le « Psy » était inexistant à l’hôpital public, mais aujourd’hui conscients de la nécessité qu’il y a à tenir compte de l’humain, les responsables laissent une place de plus en plus grande au psychologue.
Notre objectif aujourd’hui, après un rapide survol de la situation du psychologue sera d’étudier son évolution au regard de la jurisprudence récente.
La position du psychologue dans l’organigramme de l’hôpital est originale. Le psychologue est reconnu comme exerçant des fonctions de conception et éventuellement de direction.
Or dans la fonction hospitalière le décret n°2003-655 du 18 juillet 2003 défini trois corps de fonctionnaires (A, B, C) répartis pour chacun en trois commissions administratives paritaires.
Ainsi les psychologue relèvent de la commission paritaire n°2 des personnels de catégorie A des services de soins (sous-groupe 2).
Il n’est pas de notre propos de discuter ce classement mais le psychologue est dans une position originale au regard des autres professions exerçant à l’hôpital, proche du statut du médecin par certains aspects.
Le psychologue dans la plupart des cas n’est investi d’aucune autorité hiérarchique. Et il ne peut avoir aucun ascendant hiérarchique sur les personnels avec lesquels il travaille.
Mais n’étant ni un professionnel de santé, ni un auxiliaire médical il est indépendant en ce qui concerne son métier de l’autorité médicale ou du directeur des soins.
Lui-même ne peut dépendre que d’une seule autorité : le directeur de la structure. Seule une autorité dévolue à un cadre psychologue pourrai être envisager (elle n’existe pas dans les textes à ce jour), mais cela ne pourrai pas recouvrer l’aspect technique de l’exercice de la psychologie par le fait de l’indépendance nécessaire à cette pratique.
Indépendamment de la prise en compte de plus en plus fréquente de la personnalité psychologique du malade par les services et la nécessité de mieux en mieux comprise de faire intervenir le psychologue, l’organisation de l’hôpital prévoit expressément l’intervention du psychologue dans un certains nombres de cas par exemple dans le cadre de l’IVG, de la procréation médicale assistée, du prélèvement d’organes.
Ainsi le psychologue a fait sa place dans l’hôpital et cette place évolue tous les jours.
Cependant sa situation atypique dans l’organisation de l’établissement n’est pas sans poser des problèmes, coincée entre le pouvoir administratif, le pouvoir médical, le pouvoir des surveillants chefs.
Deux aspects ont fait l’objet ces dernières années de précisions apportées par la jurisprudence que nous allons commenter.
La notation
Le psychologue relève du régime général des fonctionnaires posés par les loi n°83-634 du 13 juillet 1983 et n°86-33 du 9 janvier 1986 et plus particulièrement des dispositions de l’arrêté du 22 juin 1978.
Le psychologue doit être noté en appréciant ses connaissances professionnelles, son esprit de collaboration, son initiative et sa méthode dans le travail, son comportement envers les usagers, sa présentation.
En outre sa note doit dépendre de l’appréciation générale du chef de service et de sa hiérarchie.
L’article 65 de la loi susvisée de 1986 prévoit que la notation est effectuée par l’autorité investie du pouvoir de nomination après avis des supérieurs hiérarchiques directs.
Ces règles ont posées quelques difficultés sur lesquels les tribunaux ont été amenés à se pencher.
Qui a le pouvoir de noter et ce pouvoir peut-il être délégué ?
Qui doit ou peut faire valoir son appréciation générale ?
A la première question un arrêt du conseil d’état du 11 décembre 1996 avait apporté une première réponse concernant la fonction publique territoriale mais selon nous transposable à la fonction publique hospitalière : Aucun texte n’interdit à l’administration de prévoir qu’un fonctionnaire puisse être placé sous les ordres (autorité administrative) d’un agent d’un grade inférieur au sien. Cependant cette autorité ne peut alors que collecter les éléments d’appréciation nécessaire à la notation du psychologue et certainement pas proposer une notation ni même faire une appréciation de la capacité à servir. Le juge a précisé qu’il s’agissait de protéger les conditions d’exercice de la mission du psychologue.
Un arrêt du 22 juin 2006 de la Cour Administrative d’Appel de NANCY a apporté une réponse plus précise en jugeant que le directeur d’un hôpital, seul investi du pouvoir de nomination, ne pouvait délégué son pouvoir hiérarchique aux médecins chefs, ni encore le pouvoir qu’il détient de procéder à leur évaluation personnelle en vue procéder à leur notation.
On voit ici que cette décision fixe clairement le rôle du Directeur qui a seul le pouvoir de noter mais qui a en plus seul la responsabilité d’évaluer le psychologue à partir des éléments réunis dans le dossier, y compris l’appréciation générale du chef de service.
Reste à savoir qui peut laisser dans le dossier du psychologue son appréciation pour permettre au Directeur de noter.
Dans un arrêt du 7 juin 2001 la Cour Administrative d’Appel de NANTES a eu l’occasion de préciser que si l’appréciation du chef de service était nécessaire pour permettre au Directeur de noter en connaissance de cause elle n’était pas exclusive et que rien n’empêchait le surveillant chef d’ajouter son propre commentaire à la condition expresse qu’elle ne se substitue pas à l’appréciation du chef de service. Quant à nous nous ajouterons qu’à notre avis le chef de service ne peut pas délégué son propre pouvoir d’appréciation.
Enfin la Cour Administrative de BORDEAUX a complété le dispositif en soulignant par un arrêt du 13 février 2006 que l’appréciation du chef de service doit impérativement intervenir avant la notation et qu’elle ne peut faire l’objet d’une régularisation à posteriori. Cette décision n’est pas contestable car quel serait l’intérêt d’une appréciation destinée à permettre une notation si elle est faite après ladite notation ?
Le temps FIR
Le statut du psychologue hospitalier tire les conséquences de sa fonction de conception en instaurant une répartition du temps de service hebdomadaire entre le temps consacré à la fonction clinique et institutionnelle et le temps de formation, d’information et de recherche du psychologue. Un temps de travail spécifique doit être consacré au FIR, égal à un tiers du temps total de travail (Circulaire DH/FH 3/92 n°23 du 23 juin 1992 et décret n°91-129 du 31 janvier 1991).
Nous pouvons remarquer que le statut du psychologue sur ce point se rapproche de celui du médecin hospitalier universitaire.
Rappelons que le temps FIR couvre un travail d’évaluation personnel (supervision), l’actualisation des connaissances, la recherche, des actions de formation, le suivi d’étudiants en psychologie dans le cadre du stage hospitalier.
La gestion du temps FIR relève de la responsabilité du psychologue qui doit cependant en rendre compte.
Non seulement la direction doit laisser toute facilité au psychologue pour exercer son temps FIR mais le psychologue se doit de l’utiliser pour maintenir sa pratique à niveau.
Cette pratique pose nombre de problèmes et les tribunaux ont eu à se pencher sur d’une part le fait de savoir si le Directeur pouvait s’opposer à ce temps FIR et d’autre part s’il pouvait en contrôler et le contenu et l’effectivité.
Dans un arrêt du 22 juin 2006 la Cour d’Appel de NANCY a eu l’occasion de préciser que le temps FIR est un temps de service dont le Directeur peut contrôler non pas la nature mais son accomplissement effectif en instaurant un contrôle du temps passé.
Cette décision est logique puisque si le psychologue est responsable de son temps FIR il n’en demeure pas moins qu’il doit en justifier à sa direction et qu’en particulier il doit faire figurer sur le planning du service son éventuelle absence dans le cadre du temps FIR (Circ. Du 23 juin 1992 préc. Citée et décret n°2002-9 du 4 janvier 2002). Mais le rôle de la hiérarchie ne saurait aller plus loin : le psychologue est totalement maître de la nature des activités qu’il pratique dans le temps FIR sous réserve de respecter le contenu prévu par les textes tel que nous l’avons relaté plus haut.
Cet article n'engage que son auteur.
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